Biosimilaires : interchangeabilité et enjeu du switch lundi 18 fév 2019

Depuis 40 ans nous utilisons en pratique quotidienne des biomédicaments issus des biotechnologies. Ces protéines issues du vivant sont obtenues par la technique de l’ADN recombinant consistant à introduire un gène étranger et à le faire exprimer dans un microorganisme ou une cellule.

La protéine thérapeutique produite est recueillie dans le milieu de culture, purifiée et transformée en médicament. L’aire des premiers bioprinceps a déjà vécu, arrivent à grands pas les biosimilaires dans le domaine des maladies chroniques inflammatoires en rhumatologie et en gastroentérologie. 

 

Déjà présents à l’hôpital depuis 4 ans avec  INFLIXIMAB (bioprinceps REMICADE) puis RITUXIMAB (bioprinceps MABTHERA), ces biosimiliaires se déploient en ville avec ETANERCEPT (bioprinceps d’ ENBREL) et ADALIMUMAB  (bioprinceps d’HUMIRA). D’initiation hospitalière, ces 2 derniers sont prescrits par les spécialistes de ville. L’enjeu majeur aujourd’hui est le switch du bioprinceps vers le biosimilaire du fait de l’interchangeabilité entre les deux présentations de la même DCI.

La raison est économique, les médicaments biologiques sont plus chers que les médicaments chimiques, ils ont pris une part très importante dans la dépense du médicament. A l’hôpital sur les 10 médicaments les plus chers, 7 sont biologiques, en ville c’est 5 sur 10. L’enjeu est majeur pour les dépenses de santé car les biomédicaments  ont une forte croissance. Ils sont au cœur de l’innovation qui est de plus en plus couteuse. Les bioprinceps, comme tout médicament, ont un cycle de vie, ils perdent leur brevet pour laisser la place aux biosimilaires qui doivent participer à la stabilisation de la dépense, d’autant plus que des nouvelles biothérapies arrivent sans cesse.

Un biosimilaire n’est pas un générique. 

On a à faire à des protéines de structure plus complexes, qui ne peuvent pas être strictement identiques du fait de la variabilité biologique de la source de production. 

De ce fait, à la différence des génériques, les biosimilaires nécessitent des données précliniques et cliniques avec tenue d’essais versus le bioprinceps de référence pour valider cette similarité d’action pharmacologique et clinique. La validation de l’essai clinique pour une indication donnée permet l’extrapolation à toutes les indications du bioprinceps. Amener un biosimilaire sur le marché coûte 40 fois plus cher que pour un générique. Par le procédé de fabrication complexe, un biosimiliaire reste toujours un médicament cher, autour de 30% de moins que le princeps. C’est un marché lent dépendant fortement du volume de prescription.

 

La crainte du risque immunogène du biosimilaire est ramenée à celle du princeps sachant que des modifications de production dans la vie du princeps donnent lieu à de nouvelles versions du médicament, versions similaires jamais identiques. L’Etanercept, par exemple, a eu 21 modifications, l’Adalimumab 18, sans que cela n’ait été une préoccupation. L’expérience hospitalière nous a rassurés, le switch d’Infliximab a prouvé son efficacité et sa sécurité, idem pour celui de Rituximab.

Avec le recul, les preuves d’efficacité et de tolérance comparables ont amené les sociétés savantes à valider les switch vers les biosimilaires chez les patients équilibrés et ayant répondu au princeps. Le patient doit être informé de l’existence du biosimilaire, des raisons de le lui prescrire et le médecin doit recueillir son accord pour le switch. Les informations doivent être tracées dans son dossier médical. Paradoxalement, la prescription du biosimilaire, médicament d’exception, à la différence des autres médicaments prescrits en DCI, doit être faite avec son nom de spécialité car l’interchangeabilité est considérée, pour le moment, de princeps à biosimilaire, mais pas de biosimilaire à biosimilaire.

L’assurance maladie réfléchit à un soutien financier médical pour motiver et soutenir l’effort que nécessite le switch. Pourquoi demander à son patient de changer de médicament quand tout va bien ? Pour maintenir l’accès aux progrès thérapeutiques, pour donner la chance à d’autres d’en bénéficier, à lui-même d’avoir une autre molécule en cas d’échappement. 

Le civisme des uns et la solidarité des autres sont au cœur de cet enjeu ; chacun doit être convaincu de faire un effort pour la sauvegarde du bien commun.

 

DR M. GAYRAL, Pharmacien