La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO)

Nouvelles propositions de la Société de Pneumologie de Langue Française (SPLF) dans la prise en charge de La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO)

En 2011, le comité Global initiative for chronic Obstructive Lung Disease (GOLD) a proposé une nouvelle classification des typologies des patients atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Les propositions thérapeutiques qui en découlent sont largement différentes de celles préalablement utilisées. 

Malgré des points positifs, cette classification GOLD a été sujette à des réserves. La SPLF a souligné en 2012 les limites potentielles à son usage en pratique courante, notamment la relative complexité́ de son utilisation compte tenu du nombre de critères pris en compte, l’hétérogénéité du risque d’exacerbations au sein des groupes de patients dits à haut risque (valeur du VEMS, nombre d’exacerbations), l’absence de niveau de preuve suffisant à l’appui de certaines propositions thérapeutiques, et/ou leur non concordance avec les indications d’autorisation de mise sur le marché ou de remboursement en France. 

Pour ces différentes raisons, les préconisations 2011—2016 du comité GOLD n’ont pas été́ endossées par la SPLF qui a décidé́ de proposer une alternative à ces recommandations internationales. Il s’agit là de propositions ayant pour seule ambition de constituer une base de réflexion et non des recommandations, dans la mesure où la méthodologie employée, ne suit pas les préconisations de la Haute Autorité́ de santé pour l’élaboration de recommandations pour la pratique clinique.

 

Propositions de la SPLF

 

En préambule, il faut rappeler que le diagnostic de la BPCO doit être confirmé dans tous les cas par réalisation d’une spiromètrie, avec mise en évidence d’un rapport VEMS/CV inférieur à 70% après inhalation de bronchodilateurs.

Avant d’envisager un traitement spécifique, le patient doit bénéficier d’une prise en charge globale résumée dans le tableau 1.

Tableau 1 : Prise en charge globale d’un patient BPCO :

Une fois le diagnostic posé, tout patient BPCO doit pouvoir bénéficier :

  • d’une aide au sevrage tabagique
  • de vaccinations anti grippale et anti pneumococcique
  • de conseils d’activité́ physique
  • d’une prise en charge diététique
  • d’une réhabilitation respiratoire en cas de dyspnée/handicap persistant
  • d’un traitement bronchodilatateur de courte durée d’action à la demande en cas de symptômes dyspnéiques 
  • d’une prise en compte des capacités du patient dans le choix du dispositif d’inhalation 
  • d’une ré-évaluation clinique et fonctionnelle 1 à 3 mois après chaque changement puis tous les 3 à 12 mois
  • d’une EFR annuelle au minimum. 

Par ailleurs, le traitement de fond est à présent bien codifié.

L’intérêt d’une bithérapie bronchodilatatrice de courte durée d’action a été́ démontré́ dans les années 1990 et plus de 20 ans après, celui des associations libres (produits séparés) de longue durée d’action a été́ démontré́ en termes de VEMS et de symptômes avec par exemple l’association du tiotropium au formotérol. Désormais, l’arsenal thérapeutique s’est enrichi de plusieurs traitements combinant un parasympatholytique de longue durée d’action (LAMA) et un béta 2 mimétique de longue durée d’action (LABA) en association fixe, parmi lesquels certains ont une durée d’action très longue (24 heures). Les AMM européennes des associations fixes de bronchodilatateurs de longue durée d’action ont été́ accordées pour le traitement bronchodilatateur continu pour soulager les symptômes de l’adulte atteint de BPCO modérée à très sévère. 

De manière générale, il ne semble pas exister de différence cliniquement pertinente d’efficacité́ entre les associations de bronchodilatateurs longue durée disponibles. Il n’existe aucun bénéfice clairement démontré́ à une double bronchodilatation en termes de survie versus une monothérapie ou un placebo, même si une méta-analyse récente suggère que l’association d’un LABA et d’un LAMA pourrait conférer un bénéfice modeste sur ce plan par rapport au LAMA utilisé seul. Il existe un léger bénéfice significatif sur le VEMS d’une double bronchodilatation (LABA+LAMA) versus monothérapie, ainsi qu’une réduction du recours aux traitements de secours. En revanche, sur les symptômes (dyspnée) ou la qualité de vie, le bénéfice d’une double bronchodilatation est moins clairement établi, sauf peut-être chez les exacerbateurs fréquents . Concernant la dyspnée, il faut souligner qu’une seule étude avait pour objectif principal ce critère et a démontré́ un bénéfice statistiquement significatif en faveur de l’association indacatérol/glycopyrronium, cliniquement pertinent versus placebo mais non versus tiotropium. 

 

Les corticostéroïdes inhalés (CSI) seuls ou en association fixe doivent être discutés au vu des éléments suivants.

Malgré́ plus de 6112 patients inclus et un suivi de trois ans, l’étude TORCH n’a pas démontré́ de bénéfice significatif sur la mortalité́ dans le groupe CSI par rapport au placebo. La revue systématique avec méta- analyse menée par Drummond a conclu également à une absence d’efficacité́ de la corticothérapie inhalée seule sur la mortalité́ à un an. Concernant la fonction respiratoire, aucune des études initiales comparant CSI versus placebo chez des patients peu sévères n’a permis de démontrer un bénéfice sur le déclin du VEMS ou le taux d’exacerbation. 

Jusqu’à récemment, les bénéfices en termes de nombre d’exacerbations obtenus avec l’ajout de CSI aux LABA avaient été́ démontrés pour des patients dont le VEMS était inférieur 50, 60 ou 70 % de la valeur prédite selon les molécules utilisées. L’ensemble des données suggère que l’indication des CSI doit rester limitée aux associations aux LABA, chez les patients atteints de BPCO présentant des exacerbations malgré́ un traitement bronchodilatateur de longue durée d’action (donc, en deuxième ligne). La question d’un éventuel seuil de VEMS au-dessus duquel les CSI ne devraient pas être prescrits peut difficilement être tranchée. La proposition la plus conservatrice serait de respecter en pratique les indications d’AMM. 

Chez des patients symptomatiques avec un VEMS entre 40 et 80 % de la valeur prédite, sans exacerbation dans l’année précédente, l’association LABA/LAMA, améliore davantage le VEMS  et la dyspnée que l’association LABA/CSI, avec un moindre recours aux traitements de secours. 

Une étude récente risque de changer le paradigme actuel et relativiser l’intérêt des associations LABA/CSI. 

Une association LABA/LAMA (indacatérol/glycopyrronium) a été́ comparée à l’association LABA/CSI (salmétérol/fluticasone) dans l’étude FLAME chez 3362 patients symptomatiques (dyspnée mMRC≥2) avec obstruction bronchique modérée à sévère (VEMS post bronchodilatateurs entre 25 et 60 % de la valeur prédite) ayant présenté́ au moins une exacerbation dans l’année précédant l’inclusion. Par rapport à l’association LABA/CSI, l’association LABA/LAMA a permis de réduire le taux annuel d’exacerbation de 11 % (p = 0,003) et celui des exacerbations modérées à sévères de 17 % (p=0,001). Cette réduction était observée quel que soit le traitement de fond par voie inhalée prescrit aux patients avant l’inclusion. De plus, une amélioration statistiquement significative, mais cliniquement non pertinente, du VEMS et de la qualité́ de vie a été́ observée avec l’association des deux bronchodilatateurs comparativement à l’association LABA+CSI. Les résultats de cette étude plaident en faveur d’un rapport bénéfice/risque plus favorable des associations fixes de deux bronchodilatateurs (LABA+LAMA) chez les patients par ailleurs éligibles à un traitement par une association fixe comportant des corticoïdes inhalés.  

Il n’existe pas pour l’instant d’autre étude de cette ampleur comparant LABA + LAMA versus CSI+LABA. Il est donc important que d’autres études, randomisées et réalisées en vie réelle confirment ces résultats et définitivement changer le paradigme actuel. 

Nous manquons de données comparant l’effet d’une trithérapie LAMA + LABA + CSI à une bithérapie. 

 

Cependant dans deux études, l’addition d’un LABA+CSI à un LAMA a amélioré la fonction pulmonaire et la qualité́ de vie en comparaison à un LAMA seul, tout en réduisant la survenue d’exacerbations. Toutefois, des études supplémentaires sont nécessaires, notamment avec l’arrivée de nouvelles molécules. 

 

Au total, l’algorithme de prise en charge suivant peut être proposé